10/10/2010 | La ruse du cheval de Troie
Bas-relief avec les déchets trouvés dans les baies de KNC
120 x 120 x 10 cm env.
Le personnage d'Ulysse en rouge foncé, le même sur le trois oeuvres, se trouve ici à coté de la porte.
Les trois bas-reliefs présentés dans le conteneur maritime, tout comme les gravures des claquettes des héros et la série des 4 linogravures sur Ulysse & les femmes présentés sous le Tivoli au Quai des Arts, se consacrent à cette histoire d'échouements perpétuels & de quête identitaire...
Conte-moi, Muse, l’homme aux mille tours …
Ainsi débute l’Odyssée et si Achille, héros de l’Iliade est l’homme de la vie brève, contrepartie d’une gloire éternelle et impérissable, Ulysse est l’homme du long retour. Fidèle aux siens et à ses terres, il ne s’oublie pas non plus ; et il s’agit bien pour lui, lorsqu’il regagne enfin Ithaque de reconquérir une identité mise à mal par tant de rencontres : de cités, d’hommes, de femmes et d’esprits. Ulysse est confronté tantôt à des peuples civilisés qui l’accueillent selon la morale hospitalière à laquelle aucun Grec ne peut déroger ; tantôt à des créatures hostiles et monstrueuses. On assiste à une mise à l’épreuve de l’Autre dans une différence radicale qui n’est pas seulement fondée sur la taille et l’apparence physique, mais sur des valeurs. L’Odyssée s’attache à définir les figures multiples de l’altérité et met en évidence, par contraste, les valeurs du monde d’Ulysse. Ulysse fera même l’expérience de l’altérité la plus radicale, la mort, en allant consulter le devin Tirésias jusque dans les profondeurs de l’Hadès.
De plus, l’Odyssée met en scène quantité de personnages féminins, confrontant l’homme Ulysse à une autre altérité fondamentale, la femme :
D’abord, il y a la possessive nymphe Calypso, qui le retient pendant 7 années ; puis la fraîche Nausicaa, qui voit en Ulysse l’idéal masculin mais qui s’incline devant sa quête du retour ; Circé l’enchanteresse, la femme dans toute sa puissance créatrice qui s’efface et l’aide pour la suite du voyage, et pour finir les deux Sirènes qui n’offrent pas de sensualité, mais le partage du savoir au prix de la mort. Celle qui donne sens à son voyage de retour, c’est Pénélope, l’épouse parfaire, régnante en son absence et qui attend pendant 20 ans son roi et le père de son fils.
Ces femmes, loin d’être des personnages effacés, ont toutes un rôle important, au niveau symbolique ou au niveau dramatique. Elles participent toutes à ce qu’Ulysse se reconnaît lui-même.
Au-delà du voyage initiatique, l’Odyssée relève de la quête identitaire. L’Odyssée est ce périple forcé de l’humain qui n’avance que vers lui-même, qui n’a d’autre fin que la conscience de soi. Autrement dit, il faut nécessairement en passer par l’Autre. Au cours de ce périple qui n’est que retour chez soi, Ulysse introduit sans cesse et en même temps le rapport de l’humain à l’altérité et à l’identité. Ce long retour chez soi n’est-il pas au fond le plus beau des voyages ? Voyage qui d’un ailleurs très lointain et donc radical le ramène à ce qu’il connaît déjà : sa famille et sa patrie.
Qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou de contrées, l’altérité à laquelle se frotte le héros semble être de celles qui renvoient toujours l’individu à son propre centre : qui suis-je ?
Peut-être n’est-on renvoyé à ce centre et ne prend-on conscience de son identité que dans la rencontre avec l’Autre. C’est pourquoi le voyage nous fait courir le risque de cette rencontre, c’est-à-dire de la perte de soi dans un inconnu, mais peut aussi porter la promesse de la connaissance de soi.
Miriam Schwamm
Nouvelle-Calédonie, août 2010
Sources :
Romain Jalabert, Université Montpellier III
Josiane Millette, Université du Québec à Montréal
20:40 Écrit par Miriam Schwamm dans Sculptures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : quai des arts, festival des arts mélanésiens, art, culture, nouvelle-calédonie, ulysse, la guerre de troie, le cheval de troie | Facebook | |
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