17/06/2010 | Rêves d'ailleurs
crédit photo : Miriam Schwamm
le cartel de la pièce:
Rêves d’ailleurs
La propagande (publicité) coloniale, via la diffusion d’affiches, s’appuie sur un certain nombre de réflexes iconiques. Par exemple, le noir et le blanc sont des signes forts, des pôles de référence depuis qu’ils se sont fixés au cours du 15ième siècle en Occident, formant un ensemble de codes, de repères spécifiques. Le noir symbolise le négatif et le mal tandis que le blanc représente le positif et le bien. Ce code de lecture se retrouve dans la propagande iconographique qui accompagne l’époque coloniale. Cette opposition « bien pratique » est accentuée par plusieurs autres codes iconiques : l’opposition entre l’uni et le rayé, entre le nu et le vêtu, entre la gauche et la droite de l’image.
Avec la création de l’agence générale des colonies (l’ancêtre de l’actuel ministère de l’Outre-mer) en 1919, on a commencé à créer un monde de fiction à partir de données chiffrées peu intéressantes en s’appuyant sur un argumentaire triple :
La théorie économique de la mise en valeur des colonies avec l’apport du progrès (avant c’était le vide ou presque) ; la réflexion politique qui fait de la France aux 110 millions d’habitants le deuxième empire colonial au monde ; la conscience morale de la mission civilisatrice. Cet argumentaire se développe en trois thèmes : libérer (la colonisation a libéré les peuples de leur esclavage avec l’image de Brazza libéré de ses chaînes), éduquer (la colonisation a réduit l’influence des sorciers et du cannibalisme avec l’utilisation de la métaphore des ténèbres et des lumières), soigner (avec la mise en scène systématique du dispensaire).
On peut parler d’un miroir tendu par la propagande coloniale qui renvoie une image de désir, une image de soi plus civilisée que celle d’un indigène qui n’est pas français (l’indigène est un sujet français mais n’a pas de statut juridique). Les Français sont projetés dans un monde pacifique de progrès et de civilisation avec des indigènes conscients et en accord, dans une douce utopie de la réalisation d’une œuvre (dans laquelle ils ont bien évidemment toujours une position dominante)...
Voilà pourquoi les femmes blanches, transies de froid dans leurs logis sombres et mal chauffés, se sont mis à coudre des robes pour ces lointaines inconnues. Convaincues de participer à une mission civilisatrice, elles rêvassaient, ainsi que le font les femmes d’aujourd’hui en regardant les feuilletons du genre Amour, gloire et beauté, à une autre vie, une vie ailleurs et surtout meilleure !
Dreams of elsewhere
Colonial propaganda diffused by posters relies on a certain number of iconic reflexes. For example, black and white are strong symbols, having been codes of reference since they were established during the 15th Century in the west. Black symbolizes negative and evil while white is seen as positive and good. The form of interpretation can be found in the colonial era’s iconographic propaganda
In 1919, with the creation of the Agence Générale des Colonies (General Agency for the Colonies, forerunner of today’s Ministry of Overseas), a fictitious world built out of boring statistical data began, constructed on the basis of a three-point argument: The economic theory of developing the colonies with the introduction of progress (before, there was only a vacuum, or almost); France’s political strategy, turning France into the second-largest colonial empire in the world with its 110 million inhabitants; the moral conscience of the mission to civilize.
The case was developed along the lines of three themes: to liberate (colonization liberated the people from their slavery, showing the image of Brazza freeing himself of his chains); to educate (colonization reduced the influence of witchdoctors and cannibalism by using metaphors of darkness and light), to treat (routinely showing scenes in a dispensary).
It was like a mirror being held up by colonial propaganda, reflecting a desired image, that of someone more civilized than a non-French native (an indigenous person is a French subject but without legal status). The French people were shown as being in a peaceful world of progress and civilization with indigenous people both conscious of the fact and agreeing with it; working together in the gentle utopia of a collective undertaking ( in which, of course, the colonialists were always in the dominant position)…
This is why white women, shivering with cold in their bleak, badly-heated homes, sewed dresses for distant strangers. Convinced that they were participating in a civilizing mission and, like women today dream when watching soap operas like « Amour, Gloire et Beauté » (“Love, Fame and Beauty”), they, too, dreamed of another life, a life elsewhere and, above all, better.
Traduction en anglais avec le concours de l'ADCK, traductrice: Jane Jore
23:15 Écrit par Miriam Schwamm dans Installations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : centre culturel tjibaou, robe mission, thierry fontaine, art, artistes, nouvelle-calédonie | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.